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rocketqueen
7 octobre 2005

livre de la semaine (03-09/10/05)

n47731Sanctuary , William Faulkner(USA / 1931)

Ce livre clôt en que quelque sorte le triptyque constitué par THE SOUND & THE FURY (1929) (Le bruit et la fureur) et AS I LAY DYING (1930) (Tandis que j’agonise), soit la seconde "période de Faulkner" - celle où il met au point sa stratégie de brouillage chronologique et son goût pour la tragédie antique.

Petit récapitulatif pour commencer: en 1931, s’il a publié déjà cinq romans dont les deux chefs-d’oeuvre suscités, Faulkner n’en demeure pas moins un inconnu et vit dans la misère. D’où l’idée de composer un roman juste pour l’argent, en réunissant tous les éléments à la mode dans la littérature dite commerciale de l’époque. On passera sur les inombrables réécritures du texte (spécialité de Faulkner et de beaucoup d’autres). L’important est de savoir qu’il le commence en 1929 suite à l’échec cuisant de SARTORIS - soit donc avant les deux autres merveilles (d’où l’impression que la mécanique de SANCTUARY est parfois moins bien huilée).

Il s’agit au départ d’un conte, inspiré d’un fait divers: une sordide histoire de viol d’une collégienne par un adolescent impuissant et pervers. Tous les éditeurs le lui refusent. Trop violent, trop sombre, trop dépressif. Trop sarcastique et décapant, aussi, bien sûr. Trop Faulknerien en somme.

L’auteur range donc SANCTUARY dans un tiroir, le retravaille quelques mois plus tard et en fait son troisième chef-d’oeuvre consécutif. Entre temps, il s’est adonné à son jeu préféré: le brouillage chronologique. Il y a ajouté quatre scènes de voyeurisme. Un meurtre. Une affaire de distillation clandestine. Un justicier pathétique. Et 18 références à MACBETH. Malraux a sans doute fait beaucoup de tort à ce livre, avec sa célèbre "Introduction de la tragédie grecque dans le roman policier". Car s’il y a bien un genre littéraire dont Faulkner se fout, c’est bien le polar... dans la mesure où il est totalement incapable de maîtriser l’élément capital de la mécanique policière: le suspense. Rarement on aura vu un auteur aussi mauvais pour "faire monter la sauce". Et pourquoi le ferait-il d’ailleurs? Quel en serait l’intérêt puisque sur 20 romans qu’il composa entre 1927 et 1962, 14 commencent par la fin.

Le véritable génie de Faulkner dans ce texte, c’est de réussir à écrire sur le Mal sans jamais se poser en moraliste. Il sonde les profondeurs de l’âme humaine, dissèque avec jouissance la médiocrité et la corruption, mais son point de vue est quasiment absent de tout le roman. Il laisse penser les autres, les hommes normaux, les désaxés, les fous, les criminels... tous ceux qui n’ont pas droit à la parole ailleurs. Tous ceux sur qui les autres n’écrivent pas.
 

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rocketqueen
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